Discrète, la Shee. Timorée, même… Il suffit de faire un pas vers elle pour qu’elle recule de trois, le front barré de sourcils méfiants. Elle n’est pas timide, pas complètement, mais plutôt constamment sur ses gardes ; d’une nature farouche, elle a fini par développer un brin de paranoïa qui s’aiguise, semble-t-il quand on la connaît mal, à l’imprévu.

Elevée en recluse aux relents de marginale, elle a tout juste le bout de son nez pointé dans le monde extérieur, se replie sitôt qu’on l’asticote ; alors son appartement se fait grotte, refuge obscur où le chaos s’amasse et s’amoncelle jusqu’à ce que la tempête passe, ou que l’on en sorte. Heureusement, elle possède, au fond d’elle, un quelque chose de constant, miettes d’énergie qui s’éparpillent et se reforment, un quelque chose qui la replace régulièrement et inlassablement sur les rails ; et elle ressort, et elle reprend le travail, et elle fait l’effort de calmer ses élans de sensible extrême. C’est peut-être de la force, héritée d’ailleurs.

Si elle râle, bougonne, elle a aussi de beaux accès de colère, des énervements aussi fulgurants qu’ils sont impressionnants, et dont elle rougit sitôt que la mousse retombe ; fidèle à sa nature de licorne d’Orient, elle peut se montrer agressive si on la dérange, mais au fond, Shee n’est pas méchante, et fait même preuve, en toute discrétion, de petites attentions dont elle ne se revendiquera jamais vraiment.

Chez les Lim, on se méfie de tout et de tout le monde (même des siens, parfois) : le Conseil, du haut de ses secrets et de son pouvoir omniprésent, ne fait pas exception. On redoute surtout qu’un jour, le Conseil entrave sérieusement la quête épique de la famille comme il a déjà manqué de le faire à plusieurs reprises : alors Shee comme le reste des Lim, comme elle l’a appris de sa mère, s’illustre de discrétion, et parfois même d’un brin de délation inoffensive pour écoper d’un peu d’immunité temporaire. Sa mère n’aime pas vraiment la voir rester dans un Safe Haven (et ne pas chercher le manuscrit !), et Shee n’aime pas vraiment devoir côtoyer autant de monde dans un espace si réduit (tout ça lui rappelle à moindre mesure l’angoisse de Chengdu) ; mais Amsterdam estompe sa paranoïa chronique, lui fait oublier l’incident de Gyeongju, et lui offre un refuge loin des peurs insidieuses, loin de cette famille oppressante, exigeante, tumultueuse. Si elle n'a l'air que de très peu s'intéresser aux agissements des diverses organisations, fermant volontairement les yeux sur ces dernières (sait-on jamais que le Conseil guette) pour ces mêmes motifs de tranquillité, elle a peut-être laissé traîner une ou deux fois son attention du côté de la Main Noire (et peut-être même des Annunaki). Juste pour s'informer, bien entendu... Elle pense aussi que l'Ordre est composé de sombres crétins, mais elle ne le dira jamais qu'à voix basse, en langage codé, et aux oreilles de ses plus proches amis (s'il en existe encore...). Mais tout ce qui est organisé, tout ce qui réunit plus de trois personnes autour d'idéaux politiques, raciaux, sociaux, lui fiche une frousse qui la tient à distance.

+ Partage son appartement avec deux diamants mandarins. On la verrait plutôt avec des chats, et pourtant ; c’est la compagnie de ses oiseaux qu’elle préfère, et elle les bichonne avec soin, les écoutant chanter avec ce qui semble être un certain bonheur.

+ Végétarienne ; ce n’est pas tant par principe que pour épargner un estomac pinailleur. Lointain héritage de sa race, réputée pour être herbivore, elle tombe parfaitement malade sitôt qu’elle consomme de la viande, mais a un amour indéfectible pour les oeufs sous toutes leurs formes (un penchant douteux auprès de ses congénères Qilin, qui la regardent engloutir ses jaunes d’un air suspicieux).

+ Elle est de langue maternelle coréenne, un idiome qu’on a tenu à préserver dans la famille comme une précieuse relique, le fil conducteur de l’identité de la famille, bousculée par des métissages intra-asiatiques et des exils plus ou moins volontaires. Sheena ne fait pas exception : elle ne parle néerlandais que par nécessité, garde jalousement pour elle et pour les Lim sa langue du coeur (de même que le prénom qu'on lui a donné dans cette dernière ).

+ Il y a les oeufs, les mandarins et il y a… La Kirin. Depuis qu’elle y a trempé les lèvres, Shee a développé une dépendance certaine pour cette bière japonaise (le comble !), qu’on peut régulièrement trouver dans ses mains blanches, ou dont le cadavre repose ci-et-là dans son appartement aux heures d’enfermement.

+ Il y aurait un instrument à corde étrange, de la taille d'un Ciaran, dans un des placards de son appartement ; il y trône, intouché, intouchable, depuis son arrivée à Amsterdam .

MINEUR / Perspicacité (connu, maîtrisé) Un regard, un souffle, et Shee sait qu'on est en train de lui raconter des salades. C'est un atout formidable lorsqu'on négocie des manuscrits tibétains du IIIème siècle dans les tréfonds de Katmandu ; mais le don de Jugement a plus souvent été exploité à des fins moins admirables, et Shee est régulièrement appelé à la rescousse de ses proches pour déceler les infidélités et les petits mensonges de rien du tout.

Grâce (connu, non-maîtrisé) C'est l'atout qui l'empêche probablement de sombrer dans l'asociabilité : aussi farouche, aussi fuyante, aussi vexante soit-elle, Shee parvient à arrondir les angles de son charme éthéré, délitant comme un nuage de vapeur les impolitesses et l'ignorance diluées un instant plus tôt. C'est aussi ce qui lui a permis de s'adapter si vite à des environnements si changeants, Est et Ouest, Nord et Sud, sans subir d'apoplexie à chaque sortie.

Curiosité insatiable (connu, non-maîtrisé) Apprendre vite et bien, c'est utile ; mais Shee n'avouera jamais, gonflée de mauvaise foi, qu'elle est prise d'une curiosité sourde à l'égard du monde qui l'entoure, qu'il s'agisse de celui des humains ou des monstres qui lui sont inconnus. Elle a lu, et lu, et dévoré des centaines de livres, magazines, manuscrits, modes d'emploi, déchiffré des langues jugées inutiles.

MOYEN / Mémoire éidétique (inconnu, maîtrisé) Tout ce qu'elle a pu lire, voir, entendre, sentir, Shee le retient dans sa mémoire comme dans autant de tiroirs soigneusement organisés en cervelle. Certains disent que c'est ce qui la rend plus monstrueuse que le reste : Shee est une licorne particulièrement rancunière, capable dans ses accès, d'aller fourrager jusqu'aux plus petits mesquins détails de sa mémoire éléphantesque. Heureusement pour ses détracteurs, cependant, il lui arrive qu'elle s'emmêle les sabots, et perde les fils de sa mémoire bien ficelée...

Musique envoûtante (connu, non-maîtrisé) Si certains de ses cousins se sont amusés à jouer de tout pour le sport, si elle a bien flirté avec le pipa et l'erhu, le grand amour de Shee reste indubitablement le gomungo, au grand dam de sa famille d'Hokkaido, désespérée de la voir gratouiller avec tant de zèle un instrument coréen. Et ce don injustement accordé aux siens, couplé  avec cette pratique intensive, a fait de sa musique un délice ; c'est pour cette raison même qu'elle n'en joue plus, sauf parfois aux heures perdues de la nuit, quand l'angoisse est à son comble.

MAJEUR / Féroce chasseresse (inconnu, non-maîtrisé) Elle vous traquera jusqu'au bout de la Terre... Le jour où elle se penchera sur ce don formidable qui ne s'est manifesté qu'une seule et unique fois, d'une manière si intense que Shee, aveuglée par sa fureur, n'a pas su identifier comme une force inhérente, immuable sommeillant dans ses gênes de licorne.

MINEUR / Courtoisie des fées (connu, non-maîtrisé) Rage, colère, explosions majeures jonchent sa vie sociale de tant de catastrophes inexplicables : on a fini par comprendre qu'elle est juste faite de feu et de fiel, au-dedans.

Santé fragile (connu, non-maîtrisé) Pâlotte, maigrichonne, Shee fait honneur à son physique et attrape toutes les cochonneries qui parsèment sa route, la parsemant en retour de milliers de Kleenex sitôt qu'un virus monstrueux pointe le bout de sa cellule.

Intempérance (connu, non-maîtrisé) Quel caractère ! Tout le monde est unanime : Shee est imbuvable, et ne sont restés à ses côtés que les plus téméraires -ou ceux qui n'avaient pas le choix. Au moins, elle a fait fuir tous ceux qui pouvaient en avoir après ses capacités monstrueuses.

Fierté exacerbée (connu, non-maîtrisé) Quel orgueil ! Il ne faut parfois pas plus d'un roulement d'yeux ou d'un sourire ironique pour faire partir la torpille : alors Shee explose, et éclate la rage légendaire de la licorne offensée.

Fuite en avant (inconnu) Toujours fuir, toujours plus loin ; c'est une notion inculquée d'abord par sa mère, toujours en mouvement, entraînant avec elle sa fille de ville en ville, en évitant étrangement les Safe Haven de ce monde. Shee a repris le refrain avec autant d'intensité, l'étendant jusqu'à ses relations humaines (ou monstrueuses), tenant à distance quiconque esquisserait un mouvement en sa direction. Littéralement, ou non.

Mélancolie (connu, non-maîtrisé) Elle ronchonne, elle n'est jamais contente ; c'est là la manifestation quotidienne de la mélancolie qui lui souffle les miettes de bonheur, les petits plaisirs de rien. On peut parfois surprendre entre deux froncements de sourcils, une lueur mélancolique dans ses prunelles de colérique. On l'oublie heureusement bien vite quand ressurgit la mauvaise foi, les paroles sèches, les attitudes radicales de la Coréenne.

Fausses couches (inconnu) C'est sûrement l'inconvénient le moins pénible ; elle accepte difficilement qu'on la touche, alors qu'on lui mette un pénis tout en bas en l'écrasant de tout son poids, vraiment...

MAJEUR / En décalage (connu, non-maîtrisé) Il y a des jours où sortir est un enfer. Il y a des jours où Shee sent ses sens s'affûter dangereusement, et sa tête fourmiller de mille chuchotis incisifs. Comme si le monde touchait à sa fin, comme si son existence allait s'achever là, au prochain souffle, au prochain battement de coeur ; alors Shee s'enferme et s'isole, et reste confinée derrière les volets clos, amorphe, rompue d'une angoisse sourde qui la terrasse sans raison apparente. Car tout va bien, dehors : le ciel n'est pas plus gris que la veille, les bruits de la rue ne sont pas plus forts, ni plus aigus ; c'est au-dedans que la cacophonie soudain éclate, et enfle sa paranoïa latente jusqu'à la faire rentrer au plus profond de la noirceur. Shee ne s'est jamais senti vraiment appartenir à l'univers, même auprès des siens, même quand son souffle s'est accordé parfaitement à celui de l'Autre ; il y a toujours eu une distance, une barrière, un profond décalage que l'on met sur le compte de sa nature de licorne. Mais elle seule sait sans pouvoir l'expliquer que le mal prend sa source ailleurs, plus profond, au-delà des gênes et du sang bien tangible qui dégouline dans ses veines.